1- Les marais salants

Ils sont situés sous le niveau de la mer pour que l'eau salée puisse progresser dans les bassins selon une déclivité bien précise et arriver ainsi dans le dernier bassin que l'on nomme l'œillet,  avec une concentration maximale en sel, par litre d'eau.  Arrive alors la cristallisation avec l'apparition du gros sel de juin à septembre le plus souvent.
 
Le sel des marais salants, produit naturel par excellence, est réputé pour ses qualités gustatives et nutritionnelles. Celui de  l'ile de Noirmoutier est d'autant plus réputé qu'il ne subit aucun traitement, aucun lavage... Seules les salines sont entièrement nettoyées chaque année pour garantir au sel toutes ses qualités.
 
Les fonds d'une saline sont en argile grise imperméable malléable et réfractaire. Tout le travail au marais consiste à créer un équilibre fragile entre vent et eau et entre soleil et terre.

Chaque année on entretient la saline dans lequel l'œillet productif n'occupe qu'une toute petite part de la  surface totale. Il s'agit de curer, dévaser, redresser les vettes, nettoyer les vives et les pèces amettantes.

L'activité  au  marais  salant suit le cycle des saisons.

2- les travaux d'hiver de janvier à mars :

L'entretien ou le curage ( ou rayage) des réserves ou branches (premiers réservoirs d'eau) est essentiel,  l'objectif étant d'éliminer la vase accumulée.  La sédimentation est de l'ordre de 20 cm par an. Une intervention tous les deux ans évite qu'elles ne se comblent et perdent de leurs efficacités. Le nettoyage ou curage des réserves d'eau s'effectue avec une pelle à long manche, la vase est alors jetée sur le talus ou bossis.

3- Les travaux de printemps sont appelés habillage de la saline

Les opérations se succèdent en suivant le cheminement de l'eau.
On commence par enlever à l'aide d'un râteau le limon (algues) qui s'est accumulé dans le maregât (réservoir ou bassin de concentration situé entre les branches et la saline proprement dite) le limon peut en effet boucher les cuis ou coui d'entrée et de sortie (passage aménagé pour contrôler la circulation et le débit de l'eau. Autrefois en bois, aujourd'hui souvent en tuyau pvc.
Le limon ralentissant voire stoppant la circulation de l'eau proprement dite.
Ensuite on cure le maregât toujours avec une pelle, en suivant l'eau, sur une largeur de 20 à 40 cm.

Vers la fin du mois de mars on met la saline à l'écours (on évacue l'eau)  et on nettoie les vives (bassins de concentration) et le tour d'eau en repoussant, à l'aide du rouable, (outil comparable à l'ételle mais beaucoup plus court et plus robuste) la vase accumulée au cours de l'hiver que l'on resserre en cordon ou boudin, prenant soin de toujours travailler avec 2cm d'eau pour mieux la décoller. Ensuite, on laisse sécher cette vase resserrée avant de la jeter à la pelle sur le bossis.
On en profite aussi pour benner certaines pièces lorsque les niveaux ne sont pas bons. A l'aide d'une boguette (pelle en bois) et avec un filet d'eau on enlève les croutes qui se sont formées.

Françoise dans le nettoyage des oeillets
nettoyage des vives au marais La Violence

La réfection des vettes (levées ou ponts d'argile) délimitant les bassins intérieurs de la saline est un travail essentiel à effectuer dans la saline.
En effet les vettes recouvertes d'eau depuis l'automne afin de ne pas geler ont subi le battage de l'eau (elles ont aussi été écrasées par le passage de la brouette tout au long de la récolte de sel).
A l'aide d'une lousse à ponter, (outil en bois facilitant le beurrage des vettes) on découpe la vase qui s'est formée au pied de la vette sur une certaine longueur et on la dépose dessus en l'étalant. Cette opération exige adresse et endurance car ce sont des kilomètres de vettes que l'on ponte chaque année. Il est indispensable de travailler avec une juste proportion d'eau, car une vase trop sèche demande un surcroît d'énergie car trop difficile à manipuler ; elle est lourde et collante.

Le nettoyage des vives (premiers bassins de concentration dans la saline) et du tour d'eau (rigole périphérique à l'intérieur de la saline) permet à l'eau de circuler librement et sous l'action du soleil d'augmenter sa température. Au cours de son cheminement dans les différences pièces la concentration en sel augmente.
 
Ensuite on attaque le talleu, canal qui sert à alimenter les pèces amettantes
(réserve d'eau quotidienne pour alimenter les œillets).
Il doit toujours être propre. On le cure au printemps, mais aussi tout au long de la récolte, souvent suite aux intempéries, car il a tendance à s'envaser très vite.
Dans l'entretien du circuit, on nettoie ensuite les pèces amettantes, pièces essentielles dans une saline puisque leur principale fonction est de nourrir en eau suffisamment salée, les œillets.
Le fond des pèces amettantes doit être lisse. Le nettoyage se fait au rouable en éliminant la vase accumulée. On réutilise une partie de cette vase pour graisser ou beurrer les vettes avec la lousse à ponter.

4- Préparation des Oeillets :

Le pontage des œillets
On graisse le corps d'œillets, les vettes et la table que l'on retaille éventuellement et on renforce le nez des tables pour qu'ils soient plus résistants lors de la tirure ou remontée du sel. (table : partie circulaire bordant l'oeillet sur laquelle on remonte le sel pour qu'il s'égoutte).
Le mirounage et le limage des oeillets
Cette opération se réalise entre mai et juin lorsque la salinité augmente dans les cristallisoirs ou œillets. On les vide d'abord de leur eau en prenant soin d'en garder un peu puis on pousse la vase liquide à un coin de l'œillet à l'aide d'un rouable. on évacue ensuite cette vase sur les bossis à l'aide d'une motopompe. On laisse sécher quelques heures voire une journée les oeillets ainsi sans eau.

Ensuite à l'aide d'une eau qui a déjà circulé depuis mi-avril dans la saline, chargée en sel, on remplit les œillets.
Dès qu'une mousse salée légèrement blanchâtre se forme au coin de l'œillet, celle-ci annonce l'arrivée du sel. On procède au limage. Il s'agit de la même opération que le mirounage. Par contre on évacue l'eau saumurée des œillets en la réinjectant dans le circuit ou dans les pèces amettantes . On pousse la vase des œillets chargée de sel, a l'aide du rouable en l'évacuant sur les bossis à l'aide d'une motopompe.
Les œillets après avoir séché et durci une journée sont à nouveau remplis d'eau via les pèces amettantes.
Reste maintenant à attendre l'arrivée de la fleur de sel annonciatrice du gros sel quelque 24 heures après ou plus. L'eau circule maintenant en permanence du maregât aux œillets.

Récolte au marais La Violence
cueillette de salicornes au maraisi La Violence

5- Cueillette de la Salicorne

La salicorne, plante halophile (qui aime le sel) pousse en grande quantité sur les bords des marais, elle est cueillie au printemps lorsqu'elle devient très charnue. Sont prélevées les pousses les plus tendres. Macérées dans du vinaigre blanc, elles sont consommées en condiment comme les cornichons pour accompagner les poissons les viandes froides, la charcuterie...Riches en vitamines et oligo-éléments. A l'automne, elle rougit et n'est plus comestible.

6- Les Outils

En attendant reste le nettoyage des outils. Toutes les brouettes en bois sont passées à l'huile de lin. Les paniers sont prêts sur la saline à recevoir la fleur de sel...
Chaque jour c'est un travail de gestion du circuit hydraulique, ouvrir ou fermer en fonction du temps annoncé, mettre une ardoise à tel endroit pour ralentir... bref c'est un travail de contrôle quotidien et d'observation du milieu.

7- Schéma de fonctionnement d'une saline

8 Techniques et Conditions de Récolte (eau, vents, salinité...)

A présent c'est la vigilance quotidienne du saunier ou de la saunière sur les niveaux d'eau dans la saline, la circulation de l'eau, son débit, par le réglage de chevilles à l'entrée du marais ;   puis tout au long du circuit  « laisser filer l'eau ou la ralentir avec des ardoises ».
La température de l'eau des œillets s'élève à 37°C soit au moins 15° de plus que dans les branches. La concentration peut atteindre 280 gr de sel par litre d'eau maximum soit 25° beaumé.
Au démarrage du circuit l'eau de mer est à 30 à 35 gr de sel par litre d'eau.
 
D'une saline à l'autre l'épaisseur de l'argile et sa nature sont variables , la meilleure étant la vase bleue ou verte (en réalité sa teinte est grise)
Le temps idéal pour le sel c'est une période de vents hauts : les vents de galerne  et le beurèt
 
Le beurèt veut dire vent de nord est le matin, très chaud, et vent de nord ouest  le soir plus frais ; se traduisant par une évaporation maximale.
Les vents bas de sud est à sud ouest se traduisant par une évaporation très faible ou inexistante.
La récolte s'étend en général sur trois mois ; de la mi-juin à la mi-septembre pendant les mois les plus chauds de l'année et parfois, mais c'est exceptionnel, jusqu'en octobre. En 1949 la récolte s'est prolongée jusqu'en novembre.
 
La récolte la plus importante en terme de quantité est celle du sel marin plus ou moins teinté de gris, formé de cristaux plus ou moins gros appelé communément Gros Sel.

La récolte du gros sel marin et de la fleur de sel ou salange, de juin à septembre

9- La cueillette de la Fleur de Sel

Il existe un sel plus fin appelé fleur de sel et localement viel dont la production est plus faible car celle-ci dépend de conditions météorologiques bien particulières.  Lorsque soufflent les vents d'ouest, nord ouest, d'est ou nord est, ces vents très secs favorisent l'évaporation et la formation de la fleur de sel.
 
La fleur de sel est formée de cristaux fins et légers flottant en larges plaques à la surface des œillets. Lors de la cueillette, ce sel très blanc exhale un parfum  qui rappelle celui de la  violette.
Il se récolte à l'aide d'une lousse à fleur, outil constitué d'une mince plaque d'alu marine perforée et dotée d'un long manche en fibre de verre.
La fleur de sel non ramassée tombe dans le fond de l'oeillet et est ainsi perdue.
Dans quelques centimètres d'eau on passe lentement et délicatement la lousse sous la plaque de fleur de sel et celle-ci, grossièrement égouttée est déposée dans un panier en osier.
 
Elle s'égouttera plusieurs heures avant d'être étalée et séchée au soleil sur de grandes tables.  
La production d'un œillet en fleur de sel ne dépasse pas plus de 5kg par jour.
La fleur de sel ne se forme pas tous les jours.
Sur une saison la production totale d'un œillet peut varier de 40 à 100 kg.

10- La récolte du gros sel

Le  gros sel est récolté chaque jour souvent l'après-midi après la fleur de sel avec  une ételle dont le manche flexible mesure au moins 5 mètres. Aujourd'hui en fibre de carbone. A son extremité, une maille en bois de 1,20 mètre de long sur 10 à 12 cm de large. Un de ses côtés est plat pour tirer le gros sel, l'autre côté est en biseau pour pousser le gros sel.
Le maniement de l'ételle  exige dextérité, agilité,  souplesse mais aussi fermeté et précision pour éviter de râcler et d'abimer le fond en emportant de l'argile.
 
On  peut décomposer la récolte quotidienne du gros Sel en trois opérations successives :
L'ételle refoule une lame d'eau qui fait rouler le sel du bord au centre de l'œillet,    avec la maille tournée du côté biseauté. Cette opération se fait en se déplaçant autour de l'œillet.
La succession de vagues d'eau fait rouler le sel jusqu'au nez de la table.
Au préalable, on laisse rentrer une certaine quantité d'eau des pèces amettantes à l'œillet. Opération délicate puisqu'il ne faut pas trop leur « donner à boire », sous peine d'être noyé et de ralentir la formation des cristaux de sel.
Sans oublier dans cette manœuvre, de prendre en compte la direction des vents et le taux d'humidité.
 
Quand le tour de l'œillet est fini on se  positionne sur la table. On tourne sa maille vers le côté plat et on hisse le sel sur la table .
Lorsque l'on tire les œillets l'après-midi,  on les brasse souvent la veille au soir ou le matin.
Brasser permet de faire décoller le sel qui s'est formé en plaques sur les bords ou au milieu de l'œillet.

Chaque jour, le gros sel récolté la veille est roulé sur le tesselier ( lieu de stockage du gros sel.)
Le roulage du sel se fait aujourd'hui à l'aide d'une brouette en bois équipée d'une roue pneumatique.
On charge la brouette avec une large pelle à grain en alu. Les brouettées sont vidées  sur le tesselier tout autour du mulon (tas de sel) qui s'élargit et s'élève au fil de la récolte.
Le  sel est relevé à la pelle, tapé puis lissé à l'aide de l'ételle en forme de cône ou autre. On utilise des bâches plastiques alimentaires pour le protéger des intempéries
à la fin de la saison. Les outils sont remisés et éventuellement passés à l'huile de Lin.
 
On noie la saline pour la protéger du gel. En maintenant un niveau constant au-dessus des vettes on évite ainsi de trop dessaler les œillets...

Patricia tire le sel marin
Françoise tire le sel marin
Françoise porte sa brouette jusqu'au tesselier
Françoise ramène le sel sur le tesselier
Le tesselier du marais La Violence
Le tesselier du marais La Violence
Patricia dépose le sel sur le tesselier
Patricia remonte le sel sur le tesselier

L'art du saunier ou de la saunière consiste à tirer le gros sel en entraînant le moins possible de résidu argileux qui le teinte en gris.
La récolte est quotidienne mais certains sauniers ou saunières gardent l' ancien
usage de tirer le sel dans chaque œillet tous les 2 jours.
En gardant cette pratique le sel serait mieux grainé et plus lourd.
Suivant les vents :
« le sel graine par vent d'ouest, nord ouest ou farine par vent d'est »
 
On  évalue à 30 tirures en moyenne par saison de récolte faite dans chaque œillet.
La tirure quotidienne par œillet varie de 40 à 70 kg, pouvant aller jusqu'à 80 kg.
 
Ces chiffres varient aussi avec l'expérience du saunier ou de la saunière qui est le maître de l'eau sur sa saline.

Sacs de fleur de sel
Françoise tire le sel marin avec son ételle
Françoise tire le sel marin avec son ételle
Françoise tire le sel marin avec son ételle
Françoise tire le sel marin avec son ételle